J’ai envie, aujourd’hui de vous parler de mon truc à moi, j’ai nommé l’expertise construction.
Je sais que peu de mes confrères aiment ça.
Alors pour ceux là, j’ai concocté un petit guide de survie en deux parties (pour les avocats et pour les particuliers susceptibles d’avoir un jour une expertise chez eux).
Sachez à titre liminaire que toutes les situations ci-après exposées reposent sur des faits réels que j’ai vécu.
L’expertise construction où comment devenir dégourdi(e) en trois leçons.
Leçon n° 1 – La préparation du paquetage à emmener
Comme tout départ en goguette, la préparation du nécessaire d’expertise nécessite quelques impondérables. Il ne faut jamais en oublier un seul. JAMAIS.
Il vous faut donc :
– l’adresse précise du lieu de l’expertise : attention certains experts font des blagues et plutôt que de vous donner le numéro de la maison, ils vous donnent le nom de ladite maison (exemple maison « xyz », boulevard de l’océan, Arcachon – le boulevard de l’océan fait 5 km de long, il faut le savoir-),
– bien évidemment un GPS mais bon ça quand même c’est la base sinon vous êtes mort ou vous n’arriverez JAMAIS à l’heure en expertise (enfin sauf si vous avez le sens de l’orientation inclus dans les options de base, ce qui n’est pas mon cas),
– le numéro de portable de l’expert judiciaire pour le prévenir que vous êtes perdu, pour qu’il vienne vous chercher, pour lui dire que vous êtes en retard (rayer la mention inutile),
– un plan Mappy (ou tout autre équivalent) imprimé avec vous. Parce que le GPS connaît pas tous les lieux dits, ni toutes les nouvelles constructions, ou toutes les nouvelles impasses. Alors le plan permet de prendre une rue à proximité, pour pas que l’expert n’ait à venir vous chercher trop loin quand même,
– dans l’idéal une paire de bottes en caoutchouc même si en pratique personne ne les mets, les confrères préférant patauger dans la boue dans leur chaussures de ville en daim ou sur leurs stilletos. Parce qu’après tout, il faut avouer, on fait souvent la déco,
– un téléphone avec une batterie pleine. Parce qu’il y a un mode plan dans les smartphones et que parfois même avec plusieurs modes plans et deux GPS, on trouve quand même pas. Et de la batterie au téléphone ça permet de dire à l’expert qu’on va être en retard, ou qu’il faut venir nous chercher.
Leçon n°2 – Comment s’intéresser à l’objet de l’expertise (sur lequel par définition on connaît rien) et donner le change si on a rien compris
Quand je dis que je fais du droit de la construction, on me parle de permis de construire. Pas du tout, qu’on soit bien clairs hein. Les permis de construire, c’est du droit public, et le droit public c’est pas le même droit (je n’oserai pas dire, pour ne pas froisser les publicistes que c’est pas du droit, mais voilà quoi, ça n’a rien à voir !).
Alors quand je dis construction, ça veut dire que je m’occupe des malfaçons sur les chantiers comme ça c’est plus clair à comprendre.
Et donc en expertise, il y a tout un tas de vocabulaire très technique (du genre faîtage, solive, sous dimensionnement de poutre et mon préféré micropieux).
Et la plupart du temps, vous n’avez pas la moindre idée de ce dont parle le monsieur (enfin l’expert judiciaire).
Dans ce cas là, il faut distinguer deux situations :
– soit vous avez la grande, l’immense chance d’avoir un expert d’assurance avec vous et dans ce cas là, il va non seulement vous traduire dans votre vocabulaire d’avocat (de blonde) tout ce que dit l’expert judiciaire mais en plus il va utiliser des arguments techniques pour contredire l’expert si besoin. Vous pouvez donc discuter tranquillement avec vos copines consœurs aussi en désarroi que vous,
– soit vous devez vous débrouiller tout(e) seul(e) comme un(e) grand(e) sans expert et là ça demande un peu plus d’attention et moins de causeries avec les confrères.
Déjà, il ne faut pas hésiter à dire à l’expert judiciaire si on comprend pas ce qu’il fait ou de quoi il parle. Par définition pour lui vous êtes avocat donc VOUS NE POUVEZ PAS comprendre la technique et son ego sera flatté de vous réexpliquer de manière vulgariser les raisons pour lesquelles la poutre présente un fléchissement anormal. En plus, vos confrères seront contents, parce qu’ils font genre mais ils ne comprennent pas plus que vous.
Ensuite deux phrases clés pour se sauver de deux situations distinctes :
– si l’expert abuse un peu quant à l’étendue des constatations qu’il fait (genre les fleurs poussent pas en rang d’oignons), il vous suffira de dire « mais, monsieur l’expert, sauf erreur ce n’est pas dans votre mission« . Tout le monde se plongera alors dans son dossier pour chercher l’ordonnance portant mission et cherchant la légitimité d’un préjudice concernant l’implantation d’un parterre de fleurs. Et comme il n’y en a pas (enfin normalement, si oui, allo quoi), l’expert judiciaire est recadré et on repart en débat sur la solive et son humidité. Étaiera ? Étaiera pas ? Tout un programme.
– si vous n’avez rien compris à l’expertise, que vous ne connaissez pas votre dossier très bien, que votre client n’est pas là où qu’il vous manque des pièces (rayer la mention inutile – plusieurs réponses possibles) et que l’expert vous demande de vous positionner par rapport au litige et donc que vous en êtes incapable, il suffit de répondre « Monsieur L’Expert, je vous transmettrai la position de mon clients et les pièces utiles par l’intermédiaire d’un Dire« . Les expertises sont comme des parties d’échec, chacun avance son pion prudemment. Et ensuite, chacun rentré dans son bureau les débats s’enveniment par voie de Dire donc (c’est en fait un courrier à l’expert). Mais cela permet de ne pas dire de bêtises sous le coup de la spontanéité et de lire le dossier…
Leçon n°3 – En toutes circonstances, ton sang froid tu garderas et ce :
Même si vous devez sonner dans le mauvais appartement à 9 h du matin et vous faire engueuler par une dame en robe de chambre passablement mécontente,
Même si le terre neuve de 90 kg des gens chez qui vous êtes vous laisse une trace de bave sur votre robe toute neuve,
Même s’il vous faut prendre la parole au milieu de 60 personnes (parmi lesquelles 3 femmes) pour expliquer la position de votre client qui est juste à côté de vous,
Même si vous vous retrouvez au milieu de 10 chiens de chasse qui aboient sans cesse pendant toute la durée de l’expertise,
Même si vous vous faites accueillir par un particulier encore un peu ivre de sa soirée et qu’il menace de vous virer à coup de pieds dans le train si l’expert se dépêche pas,
Même si l’expert se moque de vous quand vous lui faîtes remarquer les traces de doigt sur un faux plafond et qu’il vous demande comment vous préférez qu’il le formule dans son rapport,
Même si le syndic qui arrive avec une heure de retard en grosse bagnole, vous dit qu’en fait il a oublié les clés,
Même si en rentrant dans la chambre à coucher d’un appartement vous vous retrouvez face à un lit et une chambre avec plein de tentures rouges et des sabres japonais partout sur les murs, et même si c’est chez le mec ivre,
Même si l’expert vous dit qu’avec la provision à 6 chiffres versée par votre client, il n’a même pas de quoi vous inviter au Mcdal le midi,
Même si les particuliers en pleine réunion se mettent à balancer des chaises par terre parce qu’ils ne comprennent pas pourquoi leur maison payée 70.000 € ou achetée en kit est en carton (ben parce que c’est en kit..),
Même si les particuliers vous reprochent les malfaçons de votre client alors que bon on est d’accord que c’est pas vous qui avez posé la charpente hein,
Même quand l’expert, en chaussures de ville, manque de tomber du toit,
Même si l’expert propose aux demandeurs ses services post-expertise (…),
Même, si en dernier ressort, vous êtes contraint de demander à un confrère, bien évidemment au moment où tout le monde se tait, comment ouvrir le réservoir d’essence d’une voiture qu’on vous a prêtée,
Même quand le retraité membre du conseil syndical vous dit que quelqu’un peut se tuer dans son immeuble, il s’en fout tant que ça ne lui retombe pas dessus.
Non c’est pas vrai dans ce cas là, vous pouvez péter un plomb !
Et comme sur Twitter on fait connaissance avec des gens géniaux, avec un expert judiciaire informaticien et un expert d’assurance construction, on vous a concocté une petite trilogie de l’expertise de nos 3 points de vue différents !
La suite est donc là :
– pour la vision de l’expert judiciaire c’est chez Zythom que ca se passe,
– pour la vision de l’expert d’assurance, c’est sur La délicatesse du tractopelle que ca se passe.